Témoignages recueillis le 28 avril 2024 à l’Intercoop IDF.
- Léontine, membre des 400 Coops
– Quelles ont été tes motivations à devenir coopératrice ?
Je m’appelle Léontine et je suis coopératrice depuis deux ans aux « 400 Coop » à Paris dans le 11e. Devenir membre aux « 400 Coop », c’est consacrer 3h/ mois pour participer à la gestion du magasin. Il existe également des groupes de travail avec des thématiques par exemple l’exploitation, l’approvisionnement, la comptabilité etc. Je fais partie de la coordination qui gère des réunions auxquelles assistent des représentants de chaque groupe afin d’échanger des infos, trouver des solutions aux différents problèmes, assurer la liaison entre tous les groupes et faciliter la communication.
J’habite à côté des « 400 Coop », je suis entrée par curiosité un jour pour voir ce que c’était. Le fonctionnement correspondait bien à mes valeurs, cela faisait plusieurs années que je n’allais plus dans des grandes surfaces mais plutôt dans des magasins bio. Etre entourée de gens qui ont envie de tester des nouvelles choses m’a plu tout de suite. Essayer de mettre en pratique des nouveaux modèles, mettre en place une alternative de consommation m’a beaucoup intéressé.
– Comment tous les savoirs qui sont nécessaires à la bonne marche de l’épicerie se transmettent entre les membres ?
Devenir coopérateur, c’est dans un premier temps assister à une réunion d’information qui va donner des explications sur le projet. Il est proposé aux nouveaux adhérents de faire une formation d’une heure et demi qui a pour but d’expliquer les différentes tâches à effectuer pendant les créneaux. Il existe dans le magasin un grand tableau qui détaille ce qu’il y a à faire et ce qui déjà été fait. Les procédures et les tutos sont imprimés et consultables. Tout le monde est capable avec ces outils de faire toutes les tâches.
On a également un cloud en ligne qui regroupe tous les documents élaborés par les groupes. On y trouve les comptes rendus des réunions. Une info lettre est envoyée toutes les semaines à laquelle tout le monde peut participer. Les sujets à partager sont débattus. Tout est très ouvert.
– Faut-il agrandir la coopérative, devenir par exemple un supermarché ou plutôt essaimer et créer de nouvelles structures ?
Plus on grossit, plus ça devient lourd à organiser, à gérer. Le risque c’est que des coopérateurs ne vont plus s’y retrouver, ne plus avoir leur place pour parler. J’aurai plutôt tendance à dire qu’il vaut mieux essaimer et servir de modèle.
– Les points positifs de cette journée Intercoop, les critiques ?
J’ai trouvé cela super intéressant de faire se rencontrer autant de coopératives. Les approches diverses et différentes amènent de nombreuses réponses à des problématiques qui sont souvent les mêmes. C’est aussi important de voir qu’il y a pas mal de gens qui sont engagés ! On fait partie d’un mouvement plus large dans lequel notre engagement personnel trouve sa place.
Les ateliers étaient un peu courts. On était peut-être trop nombreux par atelier. Les objectifs de l’atelier n’étaient pas très clairs. Est-ce que c’était de l’échange, de la réflexion ? Pour la prochaine fois, il faudrait clarifier dès le début, soit partager les pratiques des uns et des autres ou réfléchir sur un sujet défini. Si on met en place une réflexion, il faudrait passer deux, trois heures au moins. Il ne faut pas juste effleurer le sujet, c’est un peu frustrant.
- Josselin, membre de L’Epice’Rit
– Quelles ont été tes motivations à devenir coopérateur ?
Je m’appelle Josselin, je suis adhérent à l’épicerie participative de Palaiseau, ville assez importante au sud de Paris. Nous sommes cent foyers adhérents environ à « L’Epice’Rit », c’est son nom. Le service demandé est de deux heures par mois minimum excepté pour les personnes âgées et celles à mobilité réduite. L’épicerie pour son fonctionnement est adossée à une plateforme numérique « Mon Epi » qui centralise tous nos besoins et qui met en place un circuit court. Cet outil permet de gérer les commandes, les adhésions, les créneaux de services et d’autres fonctionnalités de messageries entre les coopérateurs.
Les « Epi » sont nés initialement à Châteaufort dans les Yvelines en 2016, pas loin du plateau de Saclay. A l’origine, cet outil a été créé pour des communes plus rurales.
Je suis rentré dans le mouvement coopératif par la porte environnementale. Mes questions consistaient à me demander comment préserver mieux notre monde et ses êtres vivants dont l’espèce humaine mais pas uniquement. Je me suis rendu compte de l’impact de l’alimentation sur notre empreinte carbone et notre environnement d’une manière générale. Je suis devenu végétarien. J’étais étudiant à Lille à l’époque et je me suis intéressé à « SuperQuiquin », le supermarché coopératif. Du fait de mon statut d’étudiant, et de la mobilité que cela entraine, je ne suis devenu coopérateur qu’ une fois installé dans mon activité professionnelle.
J’ai découvert les épiceries participatives dans le cadre de mon travail qui s’effectue dans une association « Terre et Cité » qui valorise et protège les terres agricoles du plateau de Saclay. Ma tâche est d’essayer de développer l’alimentation locale sur le territoire qui va de Versailles, Mantes-la-Jolie jusqu’à Massy, Orsay, le plateau de Saclay, Marcoussis de l’autre côté de la vallée de l’Yvette. On a travaillé à l’association pour mettre en place le circuit court, pour comprendre ce que c’était, saisir en quoi il participait au système alimentaire et à la démocratie alimentaire territoriale. Nous avons créé un guide qui est disponible sur le site internet pour aider les futurs porteurs de projet à créer une épicerie participative. Quoi avoir en tête, quels retours d’expériences et des conseils de la part de personnes qui ont déjà monté des épiceries, … Il y en avait une à Palaiseau où j’habitais, j’ai donc adhéré pour vivre les choses de l’intérieur.
Mes motivations sont initialement environnementales avec un intérêt pour se réapproprier son alimentation. Je trouve cela très intéressant. De ce fait, on a prise sur son environnement, sur ce qu’on mange et du coup j’ai fait un potager dans mon jardin.
– Comment tous les savoirs qui sont nécessaires à la bonne marche de l’épicerie se transmettent entre les membres ?
Nous utilisons plusieurs canaux :
Dans un premier temps quand une personne veut adhérer, on l’appelle pour bien lui expliquer ce qu’est une épicerie participative, s’assurer qu’elle a bien compris les engagements qu’impliquent l’adhésion. On lui conseille d’aller voir le lieu, comment cela se passe concrètement avant la validation. C’est un moyen de passer les infos et d’expliquer le fonctionnement.
Dans un deuxième temps, une fois l’adhésion faite, la personne a accès à la plateforme. Il y a pas mal de choses à explorer. Elle clique sur les créneaux et obtient les informations sur les tâches à effectuer sur les créneaux en question. Par exemple le ménage à faire, l’emplacement des produits, le jour de la collecte des poubelles. Sur l’onglet adhérent, les renseignements à propos des clefs. Tout est bien détaillé pour que la compréhension du travail à faire soit la plus aisée.
On a aussi un canal de partage (WhatApp) pour être plus réactif et pour pouvoir poser des questions quand on a un problème.
Les mails, le bouche à oreille bien sûr ! Les gens s’ils ont envie de s’investir par exemple envoient un mail, en parlent autour d’eux et les choses se font !
Parfois les mails peuvent paraitre compliqués pour certaines personnes. La gouvernance de l’épicerie s’exerce par différents cercles. Cela peut mettre une barrière, la personne peut ne pas oser faire des demandes du fait qu’elle ne connait pas les personnes qui font partie du cercle en question. Elle ne se sent pas forcément aussi motivée qu’elles et cela peut la freiner dans son engagement.
Reste à soulever le problème que rencontrent beaucoup d’épiceries et de coopératives à savoir que le fonctionnement repose souvent sur un cœur d’adhérents extrêmement investis. Quand le nombre de coopérateurs s’élargit, comment faire en sorte pour que ces nouvelles personnes se sentent les bienvenues ? Il est nécessaire qu’il y ait un renouvellement, que les fondateurs de début passent la main et facilitent la venue de nouvelles personnes. C’est un sujet qui n’est toujours pas bien résolu ! Comment perdre le pouvoir, comment partager, comment lâcher l’émotionnel que l’on met dans son engagement ?
– Faut-il agrandir la coopérative, devenir par exemple un supermarché ou plutôt essaimer et créer de nouvelles structures ?
Cela dépend de l’objectif initial dans lequel la structure a été créée et quel est l’objectif rediscuté au fil de l’existence du magasin. Il est important d’avoir un objectif clair et commun. Pour les épiceries participatives, la réponse est assez claire, il y a une volonté commune de garder quelque chose d’assez petit, de garder un lien social, de rester sur un petit local qui est souvent fourni par la mairie.
Dès que l’on commence à dépasser les cent adhérents, c’est plus compliqué. C’est un changement d’échelle, on est moins efficace sur certains domaines. On incite donc les personnes qui voudraient rejoindre des épiceries dont les membres sont déjà nombreux à créer de nouvelles structures avec une offre d’aide. C’est ce qui s’est passé à Massy. L’épicerie à l’origine était commune à Palaiseau et à Massy, maintenant il y en a deux. la relation entre les deux épiceries est très vivante, des membres fondateurs de Massy étaient des membres de Palaiseau et certains sont encore à cheval sur les deux. Il existe même des commandes groupées, des réunions partagées sur des thématiques particulières entre les différentes épiceries participatives du territoire.
D’une manière générale, si on veut changer les choses au niveau économique, il va falloir massifier et essaimer en même temps. A chaque structure de savoir où est sa place, ce qui est le mieux pour elle et pour ses adhérents. Massifier, c’est une bataille culturelle à gagner, faire connaître les bienfaits de ce genre de coopération. C’est dur de réinventer notre rapport à l’alimentation, à faire les courses, à cuisiner, à bien manger, à faire société, créer des évènements autour de la nourriture. C’est une vaste entreprise !
– Les points positifs de cette journée Intercoop, les critiques ?
C’est toujours cool de se réunir, de se rendre compte qu’on a les mêmes problématiques, qu’on est pas tout seul, que ça bouge, que cela se développe, qu’on est sur une pente ascendante.
C’était compliqué pendant les ateliers de bien cadrer et d’avancer. On n’a pas eu de vraies conclusions à la fin. On a juste eu le temps de se présenter et pas forcément de rentrer dans les échanges. Ceci dit que chacun explique comment il fonctionne, je trouve ça riche ! On est déterminé à échanger.
L’organisation était top, la nourriture, les espaces ateliers, j’ai été agréablement surpris et content.
Pour finir je souhaite une grande distribution du durable et du local. Pour massifier, il va falloir, pour faciliter la logistique, un système qui ne repose plus forcément sur des personnes motivées mais sur une professionnalisation de l’activité. J’aimerai bien qu’on commence à penser cela. De part mon travail, j’essaie de mettre cela à l’ordre du jour.
« L’organisation était pas mal, les thématiques bien choisies ! »
Mes interlocutrices sont très satisfaites de cette Intercoop qui s’est déroulée à Montreuil. « Dans mon groupe, je pouvais bien communiquer ». Elles soulignent l’équilibre des prises de parole et remarquent que les problématiques abordées sont très comparables aux leurs même si, « bien-sûr, il y a des structures bien plus avancées que nous ». Le salariat, la communication et le système informatique sont des domaines où les différences sont importantes.
Au sein de la Coop’Cot, beaucoup d’adhérents sont réticents à l’informatisation complète de leur système, alors le collectif a décidé de fonctionner avec les deux: « papier » et « informatique ». En effet, certains adhérents ne veulent pas se retrouver dans un environnement informatisé qu’ils associent au monde professionnel dans lequel ils vivent toute la semaine. En revanche, parce qu’ils ont à cœur de créer du lien, il se rencontrent dans la chorale, partagent de nombreuses recettes de cuisine et tissent ainsi les relations d’un quotidien partagé.
L’intervention du sociologue n’a pas été une découverte pour mes interlocutrices car « ce sont des choses que l’on sait déjà », mais « ce n’est pas vrai pour tout le monde » . « Ça casse l’image des coop » et cela montre « que l’on n’a pas toute la même acceptation des problèmes, des réalités ». Elles admettent que cette réalité est parfois bien différente de l’idéal poursuivi.
A Créteil, la Coop’Cot cherche à faciliter le quotidien des étudiants qui ne payent pas leur adhésion et bénéficient d’une réduction de 17% sur les achats !
- Adrian de l’épicerie de Malakoff
Adrian avait déjà expérimenté le supermarché de La Louve et est entré dans le projet de l’Épicerie de Malakoff par la porte de la communication. Grâce à son expérience professionnelle il a souhaité partager ses compétences pour développer l‘identité de l’Épicerie. Il a notamment mis en place un site grâce à l’espace de travail Notion.
L’application permet en effet de créer des bases de données, afin d’ordonner, classer, ranger, hiérarchiser et archiver tous types de documents accessibles par tous. Cet outil semble répondre parfaitement à une préoccupation : la transmission des connaissances.
Le point positif qu’il retient de l’Intercoop est l’espace donné à la parole.
Sa réflexion sur le développement de la structure est partagée entre la réalité, une activité à flux tendu par le petit nombre d’adhérents (82) et l’envie de rester « petit » pour garder la convivialité d’une épicerie.
- 2 adhérentes de L’Indépendante, épicerie solidaire autogérée.
L’Indépendante fonctionne sur le principe d’un compte préalimenté. Les produits sont vendus sans marge.
La motivation première des 2 adhérentes pour venir à l’Indépendante est une réflexion politique, voir militante : sortir d’un système qui ne correspond pas à leurs valeurs, ne pas consommer pour consommer mais être actrices de leur consommation et lui donner une dimension plus éthique.
Le point très positif qu’elles retiennent de l’épicerie est la connaissance de l’origine des produits : les rencontres avec les producteurs donnent une autre saveur à ce qu’elles mangent. Pour cela elles souhaitent garder une structure de petite taille, et valoriser les relations de proximité.